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Depuis les années 1920, les interprétations, les débats et les polémiques [1][1]Je fais référence ici au sous-titre de l’important livre de… qui ont entouré la figure de Gramsci ont été nombreux et riches. Le legs que la pensée de Gramsci a laissé est extraordinairement varié [2][2]Sur les différents usages et interprétations de Gramsci, voir…. Les théorisations du communiste sarde ont inspiré les pensées et sciences sociales critiques [3][3]Je reprends ici le terme « pensées critiques » de la définition…, tout particulièrement dans le monde anglophone. C’est en effet surtout dans celui-ci que l’on observe une « world-wide Gramsci renaissance [4][4]Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s… » au cours des années 1990, pour reprendre l’expression de Fabio Frosini. Nous nous concentrerons plus particulièrement sur trois courants de pensée et disciplinaires, à savoir les Cultural Studies, l’anthropologie et les études de genre anglophones, qui ont cherché et parfois trouvé dans les catégories gramsciennes des instruments théoriques et politiques pour penser à la fois les structures de domination et la subjectivité individuelle ou de groupe et leur rapport à la culture, notamment par l’utilisation de la relation dialectique hégémonie/subalternité. Nous nous proposons ici de mettre en évidence certaines généalogies qui ont conduit parfois à de véritables « traductions » des concepts gramsciens, mais parfois aussi à des usages plus « légers » [5][5]Pour les usages « légers » des catégories gramsciennes,…, montrant comment Gramsci a été reçu dans le contexte intellectuel et politique anglophone.

2Pour reprendre la formule d’Edward Said, les théorisations gramsciennes ont trop souvent été des « théories voyageuses » [6][6]Voir Said Edward, « Traveling Theory », The World, the Text,…. À travers ce concept, Said critiquait en effet la transposition souvent trop rapide à d’autres lieux et d’autres époques de théories produites dans un contexte historique et culturel particulier. Il soulignait l’importance d’une compréhension des contextes d’énonciation et de réception et des transformations que ces théories subissent lors de leur « voyage ». Il nous semble que, pour saisir la façon dont les théorisations de Gramsci ont pu se révéler éclairantes en voyageant dans le contexte intellectuel et politique anglophone, la manière dont la « traduction » et la « traductibilité » ont été envisagées par Gramsci est de la plus grande utilité. Celui-ci a en effet élaboré une théorie de la « traductibilité » qui considère la « traduction » de concepts d’une culture à une autre comme possible à condition de prendre en considération la correspondance d’un lien dialectique entre base matérielle, politique et culture dans les deux cultures [7][7]Dans le cadre de cet article, il n’est pas possible d’entrer…. C’est dans cette perspective qu’on examinera la réception de Gramsci dans les sciences sociales anglophones, tout en gardant à l’esprit que celle-ci a été profondément influencée par les spécificités de l’édition des Cahiers de Prison qui a servi de base aux premières traduction anglaises [8][8]Voir l’article de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini en….

3À partir des années 1960, en Angleterre, la New Left Review a reconnu à Gramsci une place de choix dans le renouvellement de la pensée marxiste et la construction d’une voie alternative. La situation politique particulière de la Grande Bretagne, qui, à la différence de l’Italie ou de la France, n’avait jamais connu ni mouvement communiste de masse ni élaboration théorique marxiste nationale [9][9]Voir à ce propos Anderson Perry, « Origins of the present…, favorisa une importation massive du « marxisme occidental [10][10]La référence ici est à Anderson Perry, Sur le marxisme… ». Antonio Gramsci s’est ainsi retrouvé parmi les marxistes continentaux que le groupe de la New Left Review s’est employé à importer.

4Avant même la constitution de ce groupe, l’historien marxiste Eric Hobsbawm, qui fut l’un de ses fondateurs, s’était référé à Gramsci pour élaborer ses théories sur les classes subalternes. Dans son ouvrage de 1959 intitulé Primitive Rebels et consacré au banditisme social européen comme forme archaïque de mouvement social [11][11]Hobsbawm Eric, Les Primitifs de la révolte dans l’Europe…, il s’inspirait des réflexions de Gramsci sur le folklore pour formuler sa notion de « pré-politique ». Hobsbawm fait référence au Cahier 25 : Aux marges de l’histoire, qui porte spécifiquement sur l’histoire des groupes sociaux subalternes.

5Quelques années plus tard, en 1964, Perry Anderson, personnage central de la New Left Review pendant de longues années, utilisa la pensée gramscienne pour réfléchir aux questions de l’organisation de l’État britannique, notamment ce qu’il nomme les « malformations de l’État ». Les réflexions de Gramsci sur le statut inaccompli de l’État italien de l’après-Risorgimento seront pour lui une inspiration certaine. Par la suite, Perry Anderson marquera profondément la réception de Gramsci dans les cercles intellectuels de gauche et radicaux anglophones. En 1976, en effet, à la suite d’un tournant personnel de type trotskiste, il écrivit un livre à charge contre le marxiste italien, The Antinomies of Gramsci[12][12]La traduction française, Anderson Perry, Sur Gramsci, Paris,…, dans lequel il entendait critiquer le caractère non léniniste du penseur italien [13][13]Pour une critique de l’interprétation de Gramsci par Anderson…. En réalité, à travers cette charge contre Gramsci, Anderson ciblait la tradition eurocommuniste de son temps qui, selon lui, ne pouvait pas incarner une alternative anticapitaliste. Quoi qu’il en soit, le livre d’Anderson a beaucoup influencé les lectures successives de Gramsci. Paradoxalement, l’on pourrait presque suggérer que l’accusation de non-léninisme qu’Anderson a adressée à Gramsci a été l’un des facteurs qui ont participé à son succès dans les traditions critiques anglophones. Cette interprétation renforça l’image d’un Gramsci marxiste hétérodoxe ou même hérétique et donc conciliable, ou du moins non inconciliable, avec d’autres courants de pensée critique comme le poststructuralisme, par exemple, et surtout conciliable avec des contextes culturels, comme celui des États-Unis, où le marxisme était, en général, politiquement suspect [14][14]Voir à ce propos Brennan Timothy, « Gramsci e gli Stati Uniti :….

6La nouvelle gauche anglaise fut, à partir des années 1960, le lieu d’un nouveau départ pour des « traductions » ultérieures des théorisations gramsciennes. Nous pensons ici surtout aux Cultural Studies anglophones qui utilisent les théories de Gramsci en mettant à contribution notamment les concepts d’hégémonie, de société civile et de subalternité.

Hégémonie, société civile et culture dans les cultural studies

7La généalogie et même la consubstantialité de la New Left avec les Cultural Studies n’est pas à démontrer. Si la première a fait des lectures intenses de Gramsci, à partir des années 1960, les secondes lui empruntent concepts et thèmes pour analyser la société de masse contemporaine [15][15]À ce propos, voir Vacca Giuseppe, Capuzzo Paolo et Schirru…. Gramsci a ainsi grandement influencé la pensée de Stuart Hall. Né en 1932 à Kingston, en Jamaïque, Hall arrive en Angleterre dans les années 1950 pour fréquenter l’université d’Oxford où il participe activement aux mouvements politiques de la nouvelle gauche, devenant l’un des intellectuels marxistes les plus influents de Grande-Bretagne. En 1956, avec Raymond Williams, Edward P. Thompson, Perry Anderson et d’autres, Hall donne vie au groupe de la New Left et devient le premier directeur de la New Left Review. En 1967, après avoir abandonné la direction de la revue, Hall commence sa collaboration avec le Centre for Contemporary Cultural Studies fondé par Richard Hoggard la même année et dont il prend la direction entre 1968 et 1979.

8Théoriquement, il trouve dans le concept gramscien d’hégémonie une aide précieuse pour forger le conceptualiser d’une culture traversée par les rapports de pouvoir. Il s’inspire alors des réflexions gramsciennes sur le folklore et sur les romans populaires. Dans le sillon de Richard Hoggart, Raymond Williams et E. P. Thompson, Hall met la culture et toutes ses articulations au centre d’une analyse sociologique capable de se transformer en un instrument de lutte politique. Hall utilise la pensée gramscienne, notamment le concept de « société civile », d’une façon extensive dans ses analyses du thatchérisme et de la contre-révolution néolibérale de cette époque, qu’il estime fondée sur un investissement des médias par le pouvoir réactionnaire [16][16]Hall Stuart, « The great moving right show », Marxism Today,….

9Les études sur les médias de masse des Cultural Studies trouvent un soutien dans les idées de Gramsci sur la presse et le journalisme, considérés comme appareils hégémoniques dans la construction de l’hégémonie [17][17]Hall Stuart, « Gramsci and us », Marxism Today, June 1987, pp.…. Enfin, Stuart Hall retrouve chez Gramsci, notamment dans le concept d’hégémonie, les outils pour penser l’articulation entre les différents systèmes de domination, notamment en relation à la race [18][18]Hall Stuart, « La pertinence de Gramsci pour l’étude de la race…, dont il propose une analyse matérialiste fondée notamment sur les réflexions gramsciennes concernant la « question méridionale » italienne comme résultat d’un processus colonial instauré à l’avantage de l’Italie du nord après l’unification nationale. Sur la question de la race, et dans le sillage des théorisations de Stuart Hall, le philippin Epifanio San Juan Jr. a produit des analyses intéressantes en utilisant des concepts gramsciens comme celui d’hégémonie, de société civile et d’État intégral ou élargi, pour tenter de montrer que les rapports raciaux sont des rapports sociaux qui se construisent à partir de stratégies hégémoniques spécifiques à la société capitaliste [19][19]San Juan Epifanio Jr., « Difficultés dans la théorisation….

10Raymond Williams, spécialiste des études littéraires d’origine galloise, est un autre auteur central des Cultural Studies à s’être grandement inspiré de Gramsci. Son principal objet d’étude est la culture dans le contexte des sociétés industrielles de masse. L’innovation de Williams réside dans le fait qu’il considère la culture comme une « force productive » de la société et du capitalisme, dépassant ainsi la dichotomie structure/superstructure du marxisme orthodoxe, qui voit la culture comme un réflexe ou un élément déterminé par la structure des forces productives [20][20]Voir à ce propos, Williams Raymond, Problems in materialism and…. Le matérialisme culturel de Raymond Williams propose une extension du concept classique de forces productives propre au marxisme du xixe siècle, qui confondait souvent les forces productives avec la production industrielle. Pour Williams, les changements intervenus avec l’avènement de la société industrielle du xxe siècle et de la société de masse nécessitent de dépasser la distinction entre culture et forces de production matérielles en considérant la culture comme un élément à part entière de la production matérielle [21][21]Williams Raymond, Marxism and Literature, Oxford, Oxford…. Le marxiste anglais cherche aussi à porter un regard double sur la réalité sociale en essayant de lire ensemble, d’une part, les forces économiques larges et structurelles de domination, comme le capitalisme et la colonisation, et, d’autre part, les subjectivités individuelles et collectives, sans en éliminer les contradictions. Pour ce faire, Williams se sert du concept gramscien d’hégémonie [22][22]Williams Raymond, « Hegemony », Marxism and literature, op.… qui lui permet de garder l’unité du processus social traversé par ces contradictions.

11Plus qu’à une interprétation de la pensée gramscienne, les Cultural Studies se livrent à une traduction de celle-ci. Il s’agit en effet de rendre problématique le passage des catégories analytiques gramsciennes du « point de départ » proprement italien à partir duquel elles avaient été pensées au contexte des sociétés contemporaines de masse, avec un travail d’adaptation théorique et politique aux nouvelles configurations et conjonctures historiques et culturelles. Hall notamment s’est toujours montré attaché à deux questions centrales pour Gramsci, celle de la traductibilité et celle du lien entre l’analyse scientifique et la recherche d’une stratégie politique.

12À notre sens, il en va différemment pour l’anthropologie politique qui, à partir des années 1980, s’est inspirée des thèmes gramsciens, mais a fait un usage plutôt libre des « traductions » de Gramsci alors disponibles, notamment dans les versions des Cultural Studies de Hall et surtout de Williams.

 

L’usage de Gramsci en anthropologie : entre « hégémonie légère » et « domination »

13Comme l’a remarqué l’anthropologue Kate Crehan, c’est la conceptualisation par Williams de l’hégémonie gramscienne qui sera ensuite utilisée par l’anthropologie anglophone et qui marquera les auteurs en sciences sociales se réclamant de Gramsci [23][23]Crehan Kate, Gramsci, Culture, and Anthropology, op. cit.. Mais selon Crehan, la version de Williams, parce qu’elle se concentre surtout sur les aspects culturels, est une version « légère » du concept d’hégémonie [24][24]Ibidem, p. 172.. Dans la même veine, Donald Kurtz insiste sur la dette des anthropologues vis-à-vis de Williams et critique les interprétations souvent incorrectes et approximatives du concept d’hégémonie dans la discipline [25][25]Kurtz Donald, « Hegemony and Anthropology. Gramsci, Exegeses,…. Les anthropologues ont en effet souvent entendu l’hégémonie comme un concept qui décrit un type particulier de rapport de pouvoir, distinct par exemple de la domination, plutôt que comme un outil pour comprendre comment le pouvoir est produit et se reproduit dans l’ensemble des rapports sociaux.

14Comme l’a souligné Riccardo Ciavolella, à partir des années 1980, Gramsci a été source d’inspiration pour les anthropologues politiques anglophones [26][26]Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie…, mais le passage des concepts gramsciens en anthropologie s’est fait souvent à travers une sorte d’hybridation avec la pensée poststructuraliste [27][27]Concernant l’hybridation de la pensée de Gramsci avec le…. Ciavolella met en évidence que cette « post-structuralisation » de la pensée de Gramsci en anthropologie politique dérive essentiellement « d’un glissement d’intérêt des structures aux résistances et à l’agency, ainsi qu’aux formes d’expression politique ‘par le bas’ [28][28]Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie… ». En s’appropriant les différentes théorisations gramsciennes, notamment de l’hégémonie, ces anthropologues les ont utilisées dans un sens principalement discursif. Dans leur travail sur le colonialisme en Afrique du Sud, Jean et John Comaroff en viennent par exemple à donner une définition de l’hégémonie, qui, en réalité, est une paraphrase de la définition bourdieusienne du concept de doxa [29][29]Comaroff John, et Comaroff Jean L., Of Revelation and…. Ainsi, pour les deux anthropologues, l’hégémonie serait « cette partie de la vision du monde dominante qui a été naturalisée et qui, s’étant dissimulée dans l’orthodoxie, n’apparaît plus du tout comme idéologie [30][30]Ibidem, p. 25. Cité dans Ciavolella Riccardo, « Les deux… ». Ici, l’hégémonie est donc entendue dans une acception beaucoup plus faible ou « légère » parce qu’elle serait le résultat d’un travail d’incorporation de l’idéologie ou des idéologies dominantes dans l’esprit des sujets. Cela conditionnerait en effet les comportements et l’agency des individus qui doivent, à la Bourdieu, se défaire du voile idéologique qui les contraint dans le champ de l’hégémonie pour accéder à une vision claire de leur propre subjectivité antagoniste. Il est assez évident que dans cette version poststructuraliste, la lutte pour l’hégémonie ne se fait qu’au niveau des discours, des idéologies. La dialectique « économique-politique-culture » qui caractérise la notion d’hégémonie gramscienne est ici complétement évacuée à la faveur d’une réduction de l’hégémonie au seul moment de la culture/idéologie. L’hégémonie devient alors le champ de bataille de différentes descriptions discursives du monde, que l’on retrouve dans la définition qu’en donne Raymond Williams.

15Inversement, Gramsci a aussi été critiqué par certains anthropologues d’inspiration libertaire ou anarchiste comme le théoricien d’une hégémonie trop englobante, qui ne laisserait aucune place à l’agency des sujets subalternes et à la possibilité d’un dehors de la domination. Dans le discours de ces anthropologues, comme par exemple chez James Scott [31][31]Voir entre autres, Scott James C., Weapons of the Weak :… lorsqu’il élabore une conception de l’émancipation politique « par en bas », Gramsci fait figure de repoussoir marxiste. D’une façon assez paradoxale, Scott reproche à la conception gramscienne de l’hégémonie de rester uniquement dans le champ de l’idéologie, même s’il lui confère une fonction totalisante. Il lui reproche d’avoir une vision idéaliste des rapports de pouvoir entre dominants et subalternes qui ne laisserait aucun espace à une description de l’autonomie discursive et idéologique des subalternes, que Scott essaie au contraire de mettre en valeur comme le terrain sur lequel peuvent se fonder les résistances politiques. Comme le souligne Kate Crehan, Scott, pour s’opposer à Gramsci, utilise une citation célèbre de L’Idéologie allemande de Marx et Engels selon lesquels « les pensées de la classe dominante sont aussi les pensées dominantes de chaque époque », en ajoutant que la théorisation gramscienne de l’hégémonie n’est rien d’autre que « le nom que Gramsci a donné à ce processus de domination idéologique » [32][32]Scott James C., Weapons of the Weak : Everyday Forms of Peasant…. Même si la vision de Gramsci par Scott est tout autrement négative que celle des Comaroff, les deux lectures partagent une réduction évidente de la notion d’hégémonie à celle d’idéologie ou de discours.

16Pourtant, on trouve aussi chez Scott des thèmes typiquement gramsciens. Indépendamment de sa critique du concept d’hégémonie, l’anthropologue américain s’intéresse en effet également à la question de la subalternité. La distinction qu’il élabore entre « discours officiel » et « discours caché » chez les paysans de Malaisie, excepté le fait qu’il s’agit ici uniquement de discours, rappelle fortement la conceptualisation gramscienne, dans Cahier 11, de la « conscience contradictoire » ou des « deux consciences théoriques » de l’« homme actif de masse ». La question centrale est dans les deux cas celle du rapport entre structure et subjectivation. Cette question a été centrale à partir des années 1980, mais les anthropologues anglophones ont utilisé sur ce point également une pensée gramscienne qui avait déjà subi une « traduction » poststructuraliste par les études postcoloniales [33][33]Sur le rapport entre Gramsci et les études postcoloniales,…, culturelles et subalternes. Ces trois traditions d’étude étaient devenues un terrain intellectuel largement partagé dans le champ. Il n’est donc pas étonnant que le Gramsci qui a été véhiculé par les Comaroff ait été celui de la « traduction » de Williams, et que Scott, influencé par la théorisation du pouvoir de Michel Foucault, se soit opposé à la théorie de l’hégémonie gramscienne tout en gardant des thèmes gramsciens qui étaient devenus centraux pour l’étude de la paysannerie et des groupes subalternes à partir des « traductions » subalternistes et de l’histoire sociale anglaise, sous l’impulsion notamment de Hosbawm et Thompson.

17Si Kate Crehan souligne l’importance de l’anthropologie marxiste française des années 1960 comme contexte favorable à l’intérêt que les anthropologues anglophones porteront par la suite à Gramsci [34][34]Crehan Kate, Gramsci, Culture, and Anthropology, op. cit., p.…, il faut aussi remarquer que les anthropologues marxistes français, comme Claude Meilassoux, Emmanuel Terray et Maurice Godelier, ne se sont guère approprié de concepts gramsciens. À partir de la fin des années 1970, Maurice Godelier a notamment produit plusieurs écrits sur la question du pouvoir et de la domination. En 1978, il écrit un premier article, « La part idéelle du réel : essai sur l’idéologique » [35][35]Godelier Maurice, « La part idéelle du réel : essai sur…, qui introduit les réflexions sur la domination qu’il développera en 1982 dans un livre plutôt monographique, La Production des grands hommes[36][36]Godelier Maurice, La Production des grands hommes. Pouvoir et…, et, deux ans plus tard, dans un livre plus théorique, L’Idéel et le matériel. Pensée, économies, sociétés[37][37]Godelier Maurice, L’Idéel et le matériel. Pensée, économies,…. Si, dans les pays anglophones, la « mode » est à la mise en valeur de l’agency personnelle et du rapport entre la structure et le subjectif à travers la pensée poststructuraliste et la French Theory, en France, le structuralisme demeure un horizon intellectuel encore très vif. Même si, durant les années 1980, la pensée de Gramsci était bien connue et interprétée en France, Godelier ne semble guère s’y intéresser et préfère réinvestir et réinterpréter la notion classique de domination. Il essaie alors d’analyser cette notion à travers une étude des rapports sociaux de production qui conduisent à la production des rapports sociaux. Plus précisément, en critiquant à la fois l’idéalisme et le matérialisme, Godelier cherche à renouveler la théorie marxiste en repensant les relations entre l’« idéel » et le « matériel » et leur combinaison dans la production historique des rapports sociaux.

18D’une certaine manière, si comme on l’a vu, Bourdieu s’intéressait à l’incorporation de l’idéologique sous forme de schémas inconscients, Godelier voulait mettre en évidence la symbolisation en partie consciente de tout rapport social matériel, « la part idéelle du réel » qui a aussi pour fonction de légitimer la domination. Mais, en société, cette légitimation n’est possible qu’à partir d’une croyance idéelle à la nécessité de l’ordre social partagée par les dominants et les dominés. Ainsi, pour Godelier ce n’est pas seulement la violence physique (dit d’une façon gramscienne : la coercition), ni la force des rapports sociaux matériels (le déterminisme économique), qui déterminent et surtout maintiennent les rapports de pouvoir, mais bien plutôt l’adhésion, la coopération et le consentement des dominés. Dans L’Idéel et le matériel, il écrit en effet :

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La répression fait moins que l’adhésion, la violence physique ou psychologique moins que la conviction de la pensée qui entraine avec elle l’adhésion de la volonté, l’acceptation sinon la coopération des dominés [38][38]Ibidem, p. 205..

 

20Si on peut souligner que les bases théoriques et les termes utilisés par Godelier ont une assonance certaine avec la théorie gramscienne de l’hégémonie, la question qu’on pourrait alors se poser est : pourquoi l’anthropologue marxiste n’y voit-il pas un outil pour ses analyses sur le pouvoir ? Une réponse possible est qu’il a préféré un « retour à Marx » par la voie althussérienne qui s’inscrivait dans le paradigme structuraliste dominant de l’époque. Dans les années 1980, en France, la philosophie politique marxiste était en effet caractérisée par ce que Peter Thomas a appelé le « moment althussérien [39][39]Thomas Peter, The Gramscian Moment, op. cit. ». Thomas met ainsi en évidence que la critique plutôt expéditive d’« historicisme » qu’Althusser a adressée à Gramsci a durablement influencé la réception des théorisations gramsciennes. Mais il souligne également que, derrière cette critique de Gramsci, la pensée de ce dernier a une réelle influence et à plusieurs niveaux sur la pensée d’Althusser [40][40]Sur ces questions, voir également l’article de Vittorio Morfino…. Serait-on face à une traduction de traduction par personne (Althusser) interposée ?

L’hégémonie dans les études de genre

21Si Godelier reste donc attaché au concept de domination pour analyser les rapports de pouvoir en société, l’anthropologue américaine Sherry Ortner utilise en 1990 le concept gramscien d’hégémonie dans le champ de l’anthropologie du genre. À la suite des mouvements féministes des années 1970, les sciences sociales ont vu l’émergence d’une riche littérature sur les femmes et les rapports de genre. Les premières études anthropologiques sur le genre, influencées par les traditions marxiste et structuraliste de l’époque, avaient théorisé que dans toutes les sociétés connues l’on pouvait reconnaître une prééminence des hommes sur les femmes et que l’on pouvait donc affirmer l’existence d’une universalité de la domination masculine et de l’oppression des femmes. Pourtant, à partir des années 1980, la certitude de l’universalité de la domination masculine est ébranlée par la production d’études ethnographiques qui mettent en évidence l’existence et la place du pouvoir des femmes, parfois importante, dans chaque société. Le modèle de la domination masculine ne semblait plus capable de rendre compte de ces nouvelles données. Dans le débat très animé qui s’en suit, Sherry Ortner écrit, en 1990, un article intitulé « Gender Hegemonies » [41][41]Ortner Sherry, « Gender Hegemonies », Cultural Critique, n° 14,…, dans lequel elle essaie de concilier le modèle de la domination masculine universelle avec l’agency des femmes. En introduisant le concept d’« hégémonie de genre », Ortner essaie d’expliquer pourquoi, dans une société donnée, s’il peut y avoir des occasions de prestige culturel et symbolique pour les femmes déterminées par l’hégémonie culturelle, le système de domination ou d’oppression demeure en dernière analyse intacte. Le concept d’hégémonie qu’Ortner utilise est directement emprunté à la définition de Raymond Williams. Même si elle cite Gramsci pour introduire ce concept, sa définition est celle de Marxisme and Literature, l’ouvrage du marxiste anglais. L’hégémonie de genre d’Ortner reste donc dans la sphère de l’idéologie et de la culture. Il est cependant intéressant de remarquer que son usage du concept d’hégémonie est dicté par la volonté de dépasser le concept de domination, ou du moins par le sentiment d’une partielle insatisfaction qu’il lui inspire. Il lui semble en effet que ce concept est devenu trop totalisant et qu’il ne prend pas suffisamment en compte la complexité interne et l’historicité des positions entre dominants et dominés dans les rapports de pouvoir. La tentative d’Ortner d’introduire le concept d’hégémonie dans les études de genre est, pour l’époque, assez originale, dans la mesure où, dans les années 1980 et 1990, s’y est surtout affirmée la théorie du pouvoir poststructuraliste de Michel Foucault. Très largement influencées par Foucault, les études de genre se sont donc très peu intéressées à Gramsci et à ses théorisations.

22Pourtant, à partir de la moitié des années 1980, émerge en Australie un champ d’investigation sociologique sur les masculinités qui trouve dans les théorisations gramsciennes de l’hégémonie un outil important pour analyser les rapports de pouvoir genrés. La figure centrale de ce nouveau courant d’étude est la sociologue d’inspiration marxiste Raewyn Connell. Elle utilise pour la première fois le concept gramscien d’hégémonie en 1977, dans un livre de sociologie politique, intitulé Ruling Class, Ruling Culture[42][42]Connell R. W., Ruling Class, Ruling Culture. Studies of…, où elle essaie de mettre en lumière les changements historiques, sociologiques et culturels intervenus dans la société australienne qui ont contribué à la conjoncture politique réactionnaire, qui fut également celle de l’éclatement du mouvement ouvrier. Elle appelle cette conjoncture « une situation hégémonique » [43][43]Ibidem, p. 6.. Par la suite, en partant de recherches de sociologie de l’éducation, Connell développe une théorie du genre comme structure sociale, en rompant avec la tradition des « rôles sexuels ». Dans un article collectif de 1985, Towards a new sociology of masculinity[44][44]Carrigan Tim, Connell Bob, Lee John, « Toward a new sociology…, qu’elle publie avec deux chercheurs et militants LGBT, Tim Carrigan et John Lee, elle introduit le concept de « masculinité hégémonique » fondé sur la conceptualisation gramscienne de l’hégémonie une fois adaptée aux relations de genre. En 1995, elle systématise ce concept dans un livre, Masculinities[45][45]Connell R. W., Masculinities, Cambridge, Polity Press, 1995.…, qui deviendra par la suite une référence incontournable dans les études sociologiques sur les masculinités. C’est à partir de la tradition de la New Left australienne des années 1970 qu’elle a commencé à réfléchir au concept d’hégémonie. Celui-ci circulait déjà parmi les militants et intellectuels de la nouvelle gauche et la figure d’Antonio Gramsci y était bien connue. En effet, comme elle le dit dans un entretien récemment publié en français,

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une partie de son travail était à l’époque disponible, en traduction anglaise ou sous la forme de commentaires [et] la gauche australienne suivait de près l’actualité du Parti Communiste Italien […], de la « voie italienne » et de l’Eurocommunisme [46][46]Connell Raewyn, « Masculinités, colonialité et néolibéralisme.….

 

24Même si Connell ne cite que très rarement le travail de Gramsci, dans la conceptualisation du concept de masculinité hégémonique, elle semble faire un usage des catégories gramsciennes qui s’éloigne des « retraductions » poststructuralistes dont nous avons parlé plus haut. Si avec le concept de masculinité hégémonique, elle veut mettre en évidence des processus de hiérarchisation et de marginalisation dans les rapports entre les hommes et les femmes, mais aussi entre différents groupes d’hommes, la sociologue ne se limite pas aux seuls aspects idéologiques ou culturels de ce processus ; elle construit une théorie de l’ordre du genre où les institutions, l’État, les relations économiques et les rapports de force politiques, tant au niveau national qu’international, permettent de saisir le fonctionnement du patriarcat comme structure de domination. L’hégémonie, pour Connell, ne se réduit donc pas aux seuls facteurs idéologiques, mais concerne également leur rapport dialectique avec les facteurs économiques et politiques. Comme elle le souligne, le concept d’hégémonie a été décisif pour penser les différents aspects du système du genre et du patriarcat, en dépassant notamment une vision fonctionnaliste et statique que le concept de domination reproduisait [47][47]Idem..

25Pour Connell, le concept d’hégémonie permet de penser non seulement la domination de certains groupes hégémoniques sur les autres, mais surtout de retranscrire ces rapports de pouvoir dans une conception de changement historique. L’accent sur le changement historique demeure un point fondamental car, dans sa conception, le travail de l’intellectuel qui s’intéresse aux systèmes d’oppression doit avant tout permettre de réfléchir à des stratégies de transformation sociale plutôt que se cantonner à une simple critique de la reproduction sociale. Le concept d’hégémonie appliqué aux relations de genre par Connell devient donc un instrument théorique qui doit être adapté également à l’activité politique et militante de transformation.

26D’une façon peut-être un peu hasardeuse, nous pourrions avancer que le moment de l’introduction du concept d’hégémonie dans les études sur les masculinités coïncide avec une phase historique, celle qui va de la fin des années 1970 aux années 1990, où les mouvements féministes connaissent un désenchantement par rapport à l’espoir d’un changement radical dans le système de genre. C’est le début d’un repli des mouvements revendicatifs et du retour des politiques réactionnaires qui remettent au goût du jour les valeurs culturelles familialistes, notamment dans les politiques conservatrices et néolibérales, aux États-Unis, de Reagan, au Royaume-Uni, de Thatcher, et en Australie. Comme Stuart Hall l’avait fait pour le thatchérisme et le « populisme autoritaire » en Angleterre, Connell se sert, bien que d’une façon moins directe, des conceptualisations gramsciennes pour penser la nouvelle phase néolibérale et autoritaire de l’ordre du genre. Si l’on prenait acte de la faillite du projet d’une révolution sexuelle à court terme ou d’une transformation radicale et rapide de l’ordre social, il devenait nécessaire de construire des stratégies de transformation éthico-politique de plus longue durée. Pour le dire avec Gramsci, on s’était peut-être rendu compte que le moment était venu de passer d’une « guerre de mouvement » à une « guerre de position ».

27Raewyn Connell semble confirmer cette hypothèse quand elle affirme que l’hégémonie a été l’instrument conceptuel capable de saisir une

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configuration particulière des rapports de genre, une situation dans laquelle la centralité, le leadership et le pouvoir d’une minorité avait été stabilisés ; et où cette prédominance était moins imposée par la force qu’organiquement intégrée à la culture et aux routines de la vie quotidienne [48][48]Idem..

 

29Même si l’usage de la pensée de Gramsci par Connell a été peut-être moins direct que chez d’autres auteurs et même si elle le cite rarement, il nous semble que la traduction gramscienne de Connell marque cette tension entre l’analyse socio-historique et le politique que Liguori considère comme le critère fondamental des évaluations des interprétations et des usages de l’œuvre du marxiste sarde. Comme le dit également Frosini, « la nature même de la pensée de Gramsci est caractérisée par le fait d’être à la fois et inséparablement théorique et pratique, philosophique et politique [49][49]Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s… ».

30Les usages et traductions anglophones de Gramsci que l’on a brièvement et partiellement esquissés ici sont, à cet égard, très intéressants. Il est facile de remarquer que les Cultural Studies, l’anthropologie et les études de genre ont fait un usage parfois philologiquement incorrect, partiel, et souvent fondé sur des lectures indirectes du texte de Gramsci, mais le plus important est que la pensée et les catégories gramsciennes, même dans un contexte général de crise du marxisme, sont demeurées un instrument fécond et productif pour les pensées critiques contemporaines à travers le monde anglophone.

31Faisant parfois fi de l’exactitude philologique et sans se référer à des interprétations classiques, des théoriciens engagés et intéressés par les nouveaux mouvements sociaux ont utilisé Gramsci comme une arme théorique puissante pour comprendre et critiquer la dynamique de la domination et pour élaborer des stratégies de résistance et d’émancipation. La capacité des catégories gramsciennes à s’adapter à la plupart des contextes nationaux et intellectuels et aux événements politiques a permis à la pensée théorique de Gramsci de pouvoir continuellement se renouveler et se régénérer. Paradoxalement, mais peut-être pas tant que cela, le manque de précision philologique et de fidélité aux textes ont parfois peut-être été la condition d’un enrichissement des traductions des thèses du marxiste italien sur le plan politique, dans chaque contexte d’application. Comme le rappelle Fabio Frosini,

32

les diverses interprétations de Gramsci doivent être remises en question, sélectionnées et jugées sur la base de leur capacité à faire remonter à la surface, à partir des différents points de vue, la particularité structurelle du point de vue pris en charge par la philosophie de la praxis : le fait que la philosophie de la praxis est une « philosophie-politique [50][50]Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s….

 

33On peut en conclure, avec Guido Liguori que « si l’on perd de vue cet horizon de sens dans lequel se situait l’élaboration de Gramsci, on pensera parler de Gramsci, mais on parlera de tout autre chose [51][51]Liguori Guido, « Conoscenza e usi di Gramsci nel mondo… ».

Notes
  • [1]
    Je fais référence ici au sous-titre de l’important livre de Liguori Guido, Gramsci conteso. Interpretazioni, dibattiti e polemiche. 1922-2012 (1996), Roma, Editori Riuniti, 2012.
  • [2]
    Sur les différents usages et interprétations de Gramsci, voir entre autres, Portantiero Juan Carlos, Los usos de Gramsci, Mexico, édition Pasado y Presente, 1977 ; Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s Contested Legacy » in Bidet Jacques et Kouvelakis Stathis (eds), Critical Companion to Contemporary Marxism, Leiden, Brill, 2007, pp. 663-678 ; Keucheyan Razmig, « Vies de Gramsci », in Gramsci Antonio, Guerre de mouvement et guerre de position. Textes choisis et présentés par Razmig Keucheyan, Paris, La Fabrique éditions, 2011, pp. 9-34 ; Filippini Michele, Gramsci globale. Guida pratica alle interpretazioni di Gramsci nel mondo, Bologne, Odoya, 2011 ; Liguori Guido, Gramsci conteso, op. cit.
  • [3]
    Je reprends ici le terme « pensées critiques » de la définition large qu’en donne Razmig Keucheyan dans son livre Hémisphère gauche, c’est-à-dire au sens des théories qui cherchent à réactiver des projets d’émancipation à grande échelle, qui défient l’ordre social existant et où le marxisme n’est plus forcément hégémonique comme récit de la totalité. Voir Keucheyan Razmig, Hémisphère gauche. Une cartographie des nouvelles pensées critiques, Paris, Zones, 2010.
  • [4]
    Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s Contested Legacy », art. cité, p. 674. Comme l’affirme Eric Hobsbawm, à la moitié des années 1990 Gramsci était devenu le seul italien à apparaître dans une liste d’auteurs les plus cités au monde ; voir Hobsbawn Eric et Santucci Antonio A. (a cura di), Gramsci in Europa e in America, op. cit., p. XI.
  • [5]
    Pour les usages « légers » des catégories gramsciennes, notamment en anthropologie, voir Crehan Kate, Gramsci, Culture, and Anthropology, Berkeley, University of California Press, 2002.
  • [6]
    Voir Said Edward, « Traveling Theory », The World, the Text, and the Critic, Cambridge, Harvard University Press, 1983 et « Traveling Theory Reconsidered », Reflections on Exile and Other Essays, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2000.
  • [7]
    Dans le cadre de cet article, il n’est pas possible d’entrer dans l’analyse de la conception gramscienne de la traduction et de la fonction politique qui lui est attribuée. Voir, à ce propos, Boothman Derek, « Traduzione », in Liguori Guido et Voza Pasquale (a cura di), Dizionario gramsciano. 1926-1937, Roma, Carocci, 2009, pp. 857-860 et Boothman Derek, « Traduzione e traducibilità », in Frosini Fabio e Liguori Guido (a cura di), Le parole di Gramsci. Per un lessico dei Quaderni del carcere, Roma, Carocci, 2004, pp. 247-266.
  • [8]
    Voir l’article de Romain Descendre et Jean-Claude Zancarini en ouverture de ce dossier.
  • [9]
    Voir à ce propos Anderson Perry, « Origins of the present crisis », New Left Review, n° 23, 1964, pp. 26-53.
  • [10]
    La référence ici est à Anderson Perry, Sur le marxisme occidental, Paris, Maspero, 1977.
  • [11]
    Hobsbawm Eric, Les Primitifs de la révolte dans l’Europe moderne (1959), Paris, Fayard, 1963
  • [12]
    La traduction française, Anderson Perry, Sur Gramsci, Paris, Maspero, 1978.
  • [13]
    Pour une critique de l’interprétation de Gramsci par Anderson voir Thomas Peter, The Gramscian Moment. Philosophy, Hegemony and Marxism, Leiden, Brill, 2009.
  • [14]
    Voir à ce propos Brennan Timothy, « Gramsci e gli Stati Uniti : un’esasperazione », in Pala Mauro (dir.), Americanismi. Sulla ricezione del pensiero di Gramsci negli Stati Uniti, Cagliari, Cuec, 2009, pp. 78-79.
  • [15]
    À ce propos, voir Vacca Giuseppe, Capuzzo Paolo et Schirru Giancarlo (dir.), Studi gramsciani nel mondo. Gli studi culturali, Bologne, Il Mulino, 2008.
  • [16]
    Hall Stuart, « The great moving right show », Marxism Today, January 1979, pp. 14-20.
  • [17]
    Hall Stuart, « Gramsci and us », Marxism Today, June 1987, pp. 16-21.
  • [18]
    Hall Stuart, « La pertinence de Gramsci pour l’étude de la race et de l’ethnicité », art. cité.
  • [19]
    San Juan Epifanio Jr., « Difficultés dans la théorisation marxiste de la race » (1989), Revue Période, revue en ligne, 2014. http://revueperiode.net/difficultes-dans-la-theorisation-marxiste-de-la-race/.
  • [20]
    Voir à ce propos, Williams Raymond, Problems in materialism and culture : selected essays, Londres, Verso, 1980.
  • [21]
    Williams Raymond, Marxism and Literature, Oxford, Oxford University Press, 1977.
  • [22]
    Williams Raymond, « Hegemony », Marxism and literature, op. cit., pp. 108-114.
  • [23]
    Crehan Kate, Gramsci, Culture, and Anthropology, op. cit.
  • [24]
    Ibidem, p. 172.
  • [25]
    Kurtz Donald, « Hegemony and Anthropology. Gramsci, Exegeses, Reinterpretations », Critique of Anthropology, vol. 16, n° 103, 1996, pp. 103-135.
  • [26]
    Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie politique. Une lecture avec Bourdieu en contrepoint », in « La Gramsci renaissance », Actes du colloque de mars 2013, Paris, Fondation Gabriel Péri, sous presse.
  • [27]
    Concernant l’hybridation de la pensée de Gramsci avec le poststructuralisme, le post-marxisme de Ernesto Laclau est l’exemple le plus connu et le plus abouti. Voir à cet égard, Laclau Ernesto et Mouffe Chantal, Hégémonie et stratégie socialiste. Vers une politique démocratique radicale (1985), Paris, Solitaires Intempestifs, 2009.
  • [28]
    Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie politique. Une lecture avec Bourdieu en contrepoint », art. cité.
  • [29]
    Comaroff John, et Comaroff Jean L., Of Revelation and Revolution, Chicago, University of Chicago Press, 1991.
  • [30]
    Ibidem, p. 25. Cité dans Ciavolella Riccardo, « Les deux Gramsci de l’anthropologie politique. Une lecture avec Bourdieu en contrepoint », art. cité.
  • [31]
    Voir entre autres, Scott James C., Weapons of the Weak : Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985 et Domination and the Arts of Resistance, Hidden Transcripts, New Haven, Yale University Press, 1990.
  • [32]
    Scott James C., Weapons of the Weak : Everyday Forms of Peasant Resistance, op. cit., p. 315.
  • [33]
    Sur le rapport entre Gramsci et les études postcoloniales, voir, entre autres, Jablonka Frank, « Gramsci reloaded dans la condition postcoloniale : identité nationale et désidentification dans le ‘linguistic turn’ », Actuel Marx, n° 52, 2012, pp. 149-163.
  • [34]
    Crehan Kate, Gramsci, Culture, and Anthropology, op. cit., p. 177.
  • [35]
    Godelier Maurice, « La part idéelle du réel : essai sur l’idéologique », L’Homme, vol.18, n° 3-4, 1978, pp. 155-188.
  • [36]
    Godelier Maurice, La Production des grands hommes. Pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle-Guinée, Paris, Fayard, 1982.
  • [37]
    Godelier Maurice, L’Idéel et le matériel. Pensée, économies, sociétés, Paris, Fayard, 1984.
  • [38]
    Ibidem, p. 205.
  • [39]
    Thomas Peter, The Gramscian Moment, op. cit.
  • [40]
    Sur ces questions, voir également l’article de Vittorio Morfino dans ce dossier.
  • [41]
    Ortner Sherry, « Gender Hegemonies », Cultural Critique, n° 14, 1990, pp. 35-80.
  • [42]
    Connell R. W., Ruling Class, Ruling Culture. Studies of Conflict, Power and Hegemony in Australian Life, Cambridge, Cambridge University Press, 1977.
  • [43]
    Ibidem, p. 6.
  • [44]
    Carrigan Tim, Connell Bob, Lee John, « Toward a new sociology of masculinity », Theory and Society, vol. 14, n° 5, 1985, pp. 551-604.
  • [45]
    Connell R. W., Masculinities, Cambridge, Polity Press, 1995. Une traduction partielle et remaniée a été publiée en France en 2014 par les Éditions Amsterdam : Connell Raewyn, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Amsterdam, 2014.
  • [46]
    Connell Raewyn, « Masculinités, colonialité et néolibéralisme. Entretien avec Raewyn Connell – propos recueillis par Mélanie Gourarier, Gianfranco Rebucini et Florian Voros », Contretemps web, revue en ligne, 2013. http://www.contretemps.eu/interviews/masculinit%C3%A9s-colonialit%C3%A9-n%C3%A9olib%C3%A9ralisme-entretien-raewyn-connell.
  • [47]
    Idem.
  • [48]
    Idem.
  • [49]
    Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s Contested Legacy », art. cité, p. 674.
  • [50]
    Frosini Fabio, « Beyond the Crisis of Marxism : Gramsci’s Contested Legacy », art. cité, pp. 667-668.
  • [51]
    Liguori Guido, « Conoscenza e usi di Gramsci nel mondo contemporaneo », in Lussana F. et Pissarello G. (a cura di) La lingua/Le lingue di Gramsci e delle sue opere, Catanzaro, Rubbettino, 2008, p. 148.
Mis en ligne sur Cairn.info le 04/05/2015
https://doi.org/10.3917/amx.057.0082
Tag(s) : #Actualité de Gramsci
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