Source http://www.vic-net.com/anna-et-gramsci/
Deux monologues de Bernard Noël qui plongent dans les méandres de la pensée quand elle ne sait plus d’où elle vient.
Voilà un tandem qui a fait ses preuves. Après Le retour de Sade la saison passée, Charles Tordjman monte cette fois-ci deux monologues de Bernard Noël qui ont, dans leur façon de questionner le langage et les frontières qui séparent l’être social de sa sphère intime, quelque chose de commun avec certains textes en prose de Botho Strauss. Le "je", le "on", se diluent dans un méandre de questionnements et d’incertitudes. Le syndrome de Gramsci raconte les tourments d’un homme qui, au détour d’une conversation, ne retrouve plus le nom d’un compagnon proche, un compagnon de lecture et de luttes : Antonio Gramsci. Il ne faut pas voir une simple coïncidence dans cet oubli. Auteur marxiste, chantre de la lutte anti-fasciste sous Mussolini, Gramsci, l’ennemi numéro un du Duce comme on le décrit parfois, a fini sa vie en prison et, surtout, reste l’auteur d’une des plus fines analyses de la naissance de la pensée dominante à l’intérieur de tous les échelons des sociétés contemporaines. L’oubli sonne ici comme une métaphore d’une pensée qui périclite, de l’individu jusqu’au corps social.
La conséquence de ce délabrement de la mémoire et, donc, de la raison se trouve dans La langue d’Anna, une femme qui est, qui n’est pas, qui se prend peut-être - qui ne sait plus - pour la comédienne italienne Anna Magnani. A aucun moment, ces deux personnages ne vont se rencontrer et pourtant ils ont tant à se dire... Dans un décor crépusculaire et froid, une grotte comme une caverne qui verrait la vérité se refléter sur ses parois ou un Golgotha en attente d’une résurrection, ces deux voix se suivent avec toute la sobriété de la diction de Serge Magiani et le timbre particulier, presque enfantin, d’Agnès Sourdillon. Du texte à l’interprétation, la représentation prend les allures d’une poétique du sens.
Anna et Gramsci : d’après Bernard Noël (Le Syndrome de Gramsci, La Langue d’Anna)
Mise en scène : Charles Tordjman
Scénographie : Vincent Tordjman
Assistant scénographie : Erwan Mével
Costumes : Vincent Tordjman
Lumières : Christian Pinaud
Vidéo : Vicnet
Musique : Vicnet
Interprétation : Serge Maggiani, Agnès Sourdillon
Construction : Jean-Louis Hoffmann
Assistanat aux costumes : Sarah Wan
Maquillages, perruques : Cécile Kretschmar
Collaboration artistique : François Rodinson
Production : Théâtre de la Manufacture (Nancy), Théâtre National de Chaillot (Paris),
Théâtre Vidy-Lausanne (Lausanne)
C’est un espace mental glacé qui accueille les deux monologues. Le matériau des blocs donnent la sensation de feuilles de banquise empilées. À la fin du spectacle, dans une sorte de pluie vaporisée apparaissent des images de fantômes.